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24 avril 2015 5 24 /04 /avril /2015 05:01
En tentant de prendre pour cible une ou deux églises, Sid Ahmed Ghlam, l'étudiant algérien arrêté dimanche à Paris, s'inscrit dans une stratégie globale visant à fomenter une guerre de religion et à provoquer des représailles contre les musulmans, estiment des experts.

Ces manoeuvres, largement mises en oeuvre au cours des derniers mois par le groupe Etat islamique et ceux qui s'en inspirent au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie du sud-est, ne datent pas d'hier mais remontent aux premiers théoriciens de l'islamisme radical, au premier rang desquels l'Egyptien Sayyid Qutb, précise l'un d'eux.
"Cette politique a été élaborée par Qutb dans les années 50", explique Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, service d'espionnage français), en évoquant Sayyid Qutb, maître à penser de l'islam radical, membre des Frères musulmans pendu en Egypte en 1966.
"Rendre le monde musulman haïssable, de façon à provoquer une réaction contre les musulmans. Provoquer un engrenage pour isoler les musulmans, les rendre agressifs et rendre les autres agressifs contre eux. Daech (un acronyme en arabe de l'Etat islamique) n'a fait que reprendre ce vieux scénario", analyse-t-il.
Selon Alain Chouet, le groupe Etat islamique, en perte de vitesse sur le terrain, "rentre dans une ligne de confrontation forte et tente d'exacerber les fissures et les scissions dans notre société, pour obtenir le rejet des musulmans".
Selon Jean-Pierre Filiu, professeur à l'Institut de Sciences politiques à Paris, l'objectif fondamental des jihadistes "est de déclencher une spirale de violence intercommunautaire en France comme dans les pays voisins, en suscitant, par des provocations terroristes, des représailles aveugles contre les populations musulmanes".
"C'est ainsi qu'ils avaient diversifié leurs cibles de janvier dernier (à Paris), espérant provoquer les juifs par le massacre (du magasin) Hyper Cacher, les laïcs par l'attentat contre (le journal) Charlie Hebdo et les forces de l'ordre par le meurtre de policiers. Ce plan a été mis en échec par la mobilisation citoyenne du 11 janvier", qui avait vu les Français descendre dans la rue dans tout le pays par centaines de milliers. "Ils se tournent désormais contre les églises. Mais demain, cela pourra être les écoles ou les centres commerciaux, l'objectif étant toujours de prendre les musulmans en otages", estime l'expert.

Dans leur propagande sur internet, les islamistes radicaux martèlent, à destination des communautés arabes et musulmanes installées en Occident, qu'ils n'ont pas leur place dans ce qu'ils qualifient de "sociétés mécréantes" et les encouragent à émigrer en "terre d'islam". Et comment mieux le leur démontrer qu'en provoquant, par des attaques ciblées, une augmentation des actes antimusulmans?
Depuis le début de l'année, le nombre d'actions et menaces contre les musulmans a été multiplié par six en France, selon l'Observatoire contre l'islamophobie.
"Daech a pour but d'exacerber la confrontation entre l'Occident et le monde arabe, entre musulmans et chrétiens", explique Alain Chouet. "Les consignes sont claires: il faut s'en prendre aux chrétiens. D'ailleurs les mises en scènes en ce sens se multiplient, regardez en Syrie, en Irak, sur les plages en Libye où on égorge des coptes".
En février, le groupe Etat islamique avait annoncé l'exécution de 21 chrétiens coptes, la plupart égyptiens. Dimanche, la même organisation a annoncé le meurtre d'au moins 28 chrétiens éthiopiens capturés en Libye.
"Alors frapper des fidèles dans des églises, vu ce qui se passe en ce moment, la confrontation montante, la mobilisation d'un certain nombre de nos jeunes dans ce qu'on peut appeler une guerre de religion, c'est ce qui vient à l'idée", ajoute le spécialiste.
Plutôt que de réagir, par définition avec un temps de retard, après chaque attentat ou tentative, "il est temps de traiter le problème à la source", fait valoir Jean-Pierre Filiu, notamment "en neutralisant les donneurs d'ordre de Daech, dans le nord-est de la Syrie, au premier desquels Boubaker al-Hakim, inspirateur franco-tunisien des attentats de Paris en janvier".

Au lendemain de la révélation d'un projet d'attentat avorté en France, les enquêteurs intensifiaient jeudi leurs recherches sur d'éventuels complices et soutiens logistiques de l'Algérien arrêté dimanche, soupçonné d'avoir projeté une attaque contre une église catholique et d'avoir tué une femme.

"La menace n'a jamais été aussi importante, nous n'avons jamais eu à faire face à ce type de terrorisme dans notre histoire", a déclaré le Premier ministre Manuel Valls, sur la radio France Inter.
Il a fait état de "cinq attentats" déjoués en France, depuis l'été 2013 selon ses services, dont le dernier en date dimanche et autour duquel de nombreuses questions restaient sans réponse.
Son auteur, Sid Ahmed Ghlam, étudiant de 24 ans vivant en France, faisait l'objet d'une fiche des services de renseignements après s'être radicalisé en 2014 et un voyage en Turquie début 2015. Il n'était cependant pas étroitement surveillé.
"Ce type d'individus n'agit pas seul", "tout indique" que Sid Ahmed Ghlam a projeté son attaque "en liaison avec un individu qui pourrait être en Syrie et qu'"une commande a été passée sans doute pour cibler une église", a souligné Manuel Valls.
La veille, le procureur chargé de l'enquête François Molins, se fondant sur l'exploitation de l'ordinateur et des téléphones portables du jeune Algérien, avait fait état de ce contact en Syrie qui avait demandé "explicitement" à l'étudiant "de cibler particulièrement une église".
En choisissant cette cible, "c'est la France, toute la France qui est visée pour ce qu'elle est", a réaffirmé Manuel Valls. En janvier, les trois jihadistes français, tués par la police après leurs attentats meurtriers (17 morts), avaient visé d'autres cibles symboliques: l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, une policière et un magasin casher.
L'archevêque de Paris, Mgr André Vingt-trois, a appelé jeudi à "ne pas céder au piège" tendu par les réseaux terroristes qui se livrent à une "surenchère médiatique".
"Nous ne voulons pas nous incliner face à une conception du monde qui ferait de nous les ennemis les uns des autres", a-t-il dit à l'issue d'un entretien avec le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve.
Les enquêteurs se penchent aussi sur l'arsenal impressionnant trouvé dans la voiture et la chambre que Sid Ahmed Glam occupait dans une résidence étudiante: armes de guerre, armes de poing, munitions, gilets pare-balle, brassards de police... laissant penser à l'existence derrière lui d'un réseau constitué.

La garde à vue du jeune jihadiste, arrêté à Paris, a été prolongée jeudi de 24H, a annoncé à l'AFP une source judiciaire.
Elle pourrait l'être encore jusqu'à samedi en vertu des lois antiterroristes permettant une garde à vue de six jours dans les cas de risque imminent d'action violente. L'utilisation de cette procédure reste rarissime.
Selon le procureur, l'Algérien a d'abord fait des déclarations "fantaisistes" aux policiers avant de se murer dans le silence.
Une femme de son entourage a aussi été interpellée à Saint-Dizier (est) où est installée sa famille. La garde à vue de cette convertie de 25 ans a été prolongée jeudi matin.
L'attentat déjoué dimanche a été éventé dans des circonstances fortuites: le suspect a lui-même appelé les secours après s'être blessé avec sa propre arme dans des circonstances encore non élucidées, et alors qu'il venait apparemment de tuer une femme à Villejuif (sud de Paris).
Les conditions de ce meurtre restent inconnues.
Dans ce contexte, le Premier ministre a défendu le projet de loi sur le renseignement actuellement en discussion au Parlement, et qui fait l'objet de vives critiques à gauche inquiète d'une surveillance généralisée. Une crainte "absurde" selon lui.
Cette loi "aurait donné plus de moyens aux services de renseignement pour effectuer un certain nombre de surveillances" concernant Sid Agmed Ghlam, a-t-il assuré. "C'est une loi qui permet de donner plus de moyens à nos services de renseignement tout en maintenant nos libertés", et qui n'a "rien à voir avec le Patriot Act" adopté aux Etats Unis après le 11 septembre 2001, a-t-il insisté.
Actuellement, a souligné M. Valls "1.573 Français ou résidents en France" sont recensés pour leur implication dans ces filières terroristes". "442 se trouvent sans doute actuellement en Syrie, 97 y sont morts". Et la France, a-t-il souligné, n'est pas le seul pays concerné par le terrorisme jihadiste, puisque "de 3.000 à 5.000 Européens" se trouvent en Syrie ou en Irak.

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